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Isaac le pirate - Christophe Blain - ::matthieu forichon::

Au sud du sud, Christophe Blain.

Terra incognita. XVIII ème siècle. Paris. Isaac Sofer est un peintre partageant son temps entre les quelques tableaux qu'il réalise et son amour heureux avec la balle Alice. Seule ombre au tableau, l'argent leur fait quelques fois défaut et est souvent sujet de disputes. Un beau jour il rencontre un petit homme à la tête sympathique, Henri Demelin, chirurgien. Ce dernier intéressé par les travaux d'Isaac lui propose d'embarquer sur le bateau de l'un de ses amis, un riche capitaine, lui faisant miroiter la fortune qu'il pourrait faire rapidement grâce à cette expérience. Isaac, d'abord retissant à l'idée de laisser Alice, décide de suivre Henri, persuadé que ce voyage ne durerait que quelques semaines et que, fortune étant faite, il pourrait revenir épouser Alice et vivre une nouvelle vie plus glorieuse à ses côtés. Isaac embarque sur le bateau de Jean Mainbasse, un pirate blasé des abordages et des trésors et dont la seule ambition dorénavant est de marquer l'Histoire. Isaac va devenir le chroniqueur et l'illustrateur d'une aventure des plus épiques de l'Homme à la recherche de nouvelles terres.

A l'abordage. Je dois dire que j'ai vraiment été captivé par "Le réducteur de vitesse" de Blain et par les aventures passionnantes de Hyacinthe et de ses amours avec Alexandra dans Polton-Minet. J'ai apprécié le trait de Blain dans "Socrate le demi-chien". Toutefois je n'avais jamais eu, jusqu'à aujourd'hui, l'envie de m'acheter "Isaac le pirate". J'ai vu la série s'enrichir d'un deuxième puis d'un troisième opus sans en avoir lu une seule page. Quelque chose me gênait dans ces trois albums mais je ne savais trop dire quoi. Maintenant je pense pouvoir dire que c'est la couleur qui me dissuadait. Je crois, et çà n'engage que moi, que des auteurs comme Blain, sont plus agréables à lire sans couleurs car leurs traits sont vraiment forts et riches pour se passer de couleur. Cette version collector d'Isaac le pirate regroupant les trois tomes (Les Amériques", "Les glaces" et "Olga") est entièrement garanti sans couleurs. Quelques suppléments comme des planches de recherches, textes et croquis viennent agrémenter un album de très bonne finition. Les esquisses, crayonnés et encrage de la planche 1 du premier tome font de ce recueil un très bel objet. Enfin n'étant pas fan d'histoire de pirates, je me suis quand même bien laissé prendre par le récit qui n'a de "pirate" que le titre et quelques scènes. L'histoire étant surtout focalisée sur les péripéties du peintre et sur la découverte d'un nouveau monde au sud du sud (terra incognita). Je me suis donc retrouvé, après une bonne

heure de lecture, avec ce bouquin sur les genoux, heureux. Heureux d'avoir voyagé avec les personnages, aux personnalités bien affirmées, de Blain. De mettre laissé entraîner dans ces aventures. Une impression d'avoir fait le tour du monde, d'avoir vu les plus belles femmes, d'avoir connu les plus incroyables instants d'une vie de marin. Je me suis senti également le témoin d'histoires d'amour qui naissent et se déchirent lentement au gré du vent dans les voiles du bateau de Jean mainBasse. Témoin impuissant devant Alice qui se jette dans les bras de Philippe alors qu'Isaac se terre dans la calle d'un navire sans destination. Complice d'Isaac et de ses compagnons d'équipage sillonnant les rues d'une ville portuaire, argent en poche, pour y trouver femmes et alcools.

Un médecin sur chaque bateau. Les médecins font partie de l'univers de Blain. Chaque bateau, chaque histoire possède son médecin. Dans "Le réducteur de vitesse", il se fait appeler "toubib", "médecin". Dans "Isaac le pirate", il se nomme Henri Demelin et est chirurgien. Leurs rôles sont assez proches. Ils sont tous deux rôdés au monde maritime, sauvent des vies, réconfortent les équipages. Le personnage d’Henri est toutefois plus important dans « Isaac le pirate ». C’est lui qui pousse Isaac à embarquer à bord du bateau pour parcourir le monde et y faire fortune. Petit de taille, le sourire permanent, la pipe à la bouche, il rassure par sa seule présence le lecteur qui se soucie du devenir d’Isaac au milieu de toutes ces trognes de pirates. Le personnage détonne parce qu’il est atypique, inattendu sur ce bateau tout comme le toubib du réducteur. A chaque coup dur d'Isaac, on attend l'arrivée d'Henri pour le sortir de là. La survie du peintre tant physique que morale est dans les mains d'Henri, dans ses mots, dans ses anecdotes et dans son vécu de chirurgien-marin.

Les carnets d'Isaac. La présence du dessin et de la peinture dans cet album est captivante. Comme si la destinée d'Isaac et des autres personnages tournait uniquement autour des carnets de voyage du peintre. De la première page à la dernière, tout s'articule autour des dessins d'Isaac. Il embarque à bord du bateau de Jean pour y être son dessinateur officiel. Il est le témoin de la découverte d'un nouveau continent au sud du sud. Il réchappe à un abordage et à la mort grâce à ses oeuvres. Les rencontres se font toujours autour des quelques croquist. Le lecteur vit les angoisses d'un artiste qui perd et retrouve inlassablement ses carnets de dessins. Ces derniers sont le fil conducteur de cette bande dessinée. A travers ces peintures, Isaac est encore un peu présent dans la vie d'une Alice qui doute et qui tombe amoureuse d'un autre homme. Le lecteur le sait plus ou moins, plus qu'Henri, ce sont ses dessins qui sauveront maintes et maintes fois la mise à Isaac. L'épopée passionnante du dessin dans le dessin, telle pourrait être la phrase qui me vient à l'esprit lorsque je pense à "Isaac le pirate". Du grand Blain, dans tous les cas.

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